Les Boucanières by Wharton Edith

Les Boucanières by Wharton Edith

Auteur:Wharton, Edith [Edith, Wharton]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: PLON
Publié: 1994-04-15T00:00:00+00:00


Aux yeux de la duchesse qui signait ses dernières lettres d'invitation pour la partie de chasse de Longlands, la scène qui s'était déroulée à Tintagel et les événements qui avaient suivi, paraissaient aussi lointains, aussi irréels, que les légendes du roi Arthur attachées aux vieilles ruines du château. Annabel s'était conduite de manière inexcusable ; elle le reconnaissait, sans que nul n'ait besoin de le lui dire et, à l'époque des faits, elle avait amèrement pleuré sa faute. Mais l'irrémédiable avait été commis et elle savait que jamais aucun repentir ne rachèterait le désastre de cette nuit aux yeux de son époux.

La folle expédition dans la tempête s'était terminée par une fausse couche qui avait privé le duc de la naissance de son fils, du moins en était-il convaincu. Lui, le seigneur et maître de Tintagel, voulait un fils, avait droit à un fils, l'aurait eu si les égarements criminels de sa femme n'avaient détruit cet espoir. Les docteurs appelés en consultation avaient recommandé plusieurs mois de repos complet. Eux non plus n'avaient pas l'air de comprendre qu'il fallait un héritier au duc, que c'était uniquement dans ce but que les ducs se résignaient au mariage et à son cortège d'ennuis.

Plus d'une année s'était écoulée depuis le drame et après de longues semaines de maladie, une nouvelle Annabel, la troisième version, avait fait surface. Au fil du temps, la vie avait peu à peu repris son cours et le duc, en paroles tout au moins, paraissait avoir pardonné à sa femme. Dès que les médecins avaient jugé la duchesse en état de voyager, le jeune couple avait quitté la solitude de Tintagel. A présent, pris dans le tourbillon de Londres, ou soumis, à Longlands, au cérémonial rétabli par la duchesse douairière, ils étaient tous deux trop assaillis de distractions et d'obligations propres à leur rang pour songer à ce qui avait été irrémédiablement détruit.

Parfois pourtant, le regret leur serrait la gorge, par surprise. A son retour à Longlands, dès qu'Annabel avait été en état de marcher plus d'une centaine de mètres, le duc l'avait emmenée de la chambre Corrège jusqu'à la galerie des sculptures classiques. Mr. Rossiter qui les accompagnait à nouveau, lui avait montré des bustes d'empereurs, Adrien et Trajan, ainsi que quelques copies romaines d'Athéna et d'Apollon, des poteries de terre de Sienne datant de diverses périodes. Nan attribuait son propre manque d'enthousiasme à son ignorance de l'art classique quand soudain, atteignant la fin de la galerie, elle eut le souffle coupé devant un bas-relief qui semblait taillé dans du marbre tiède, presque vivant. Il représentait une femme assise, la main appuyée sur l'épaule d'une jeune fille qui détournait la tête. Elles se tenaient toutes les deux de profil et les plis des draperies se répandaient comme si la pierre eût été liquide mais leurs visages tristes ne reflétaient qu'une paix éternelle.

— C'est la plus belle chose que j'aie vue, dit-elle fascinée. Est-ce grec ?

— Oui, Votre Grâce. Cette œuvre provient de Naxos, expliqua doctement Mr. Rossiter. Elle



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